Doucement, Electre (Hægan, Elektra)

Auteur : Hrafnhildur Hagalín

Traduction : Raka Asgeirsdottir et Nabil El Azan. Traduction à l’initiative de la Maison Antoine Vitez.

Date d‘écriture : 2003

Nombre de personnages : 3(2 femmes, 1 homme)

Création :  au Théâtre National d’Islande, 2004

Création en France : En 2008 la pièce est montée au Théâtre 32 à Nîmes dans une mise en scène de Christian Chessa.

Résumé

Doucement, Electre traite dans une forme originale et inhabituelle,  un redoutable face à face entre une mère et sa fille, toutes deux des comédiennes ayant arrêté de jouer suite à un événement qui se serait produit lors d’une représentation de leurs “improvisations”. Enfermées dans un espace de théâtre, elles mettent en jeu la relation mère/fille,  tandis qu’un  autre huis clos, un autre face à face, vient interrompre le premier à intervalles réguliers. Cette fois-ci sur l’écran,  entre une jeune femme et un homme (interprétées par les deux mêmes comédiennes). Les deux actions différentes vont se jouer parallèlement, mais,  au fur et à mesure, elles se rapprocheront dangereusement jusqu’à atteindre leur paroxysme se confondant, confondant dans le même mouvement le passé et le présent, le masculin et le féminin, la réalité et la fiction, la vérité et le théâtre, la vie et la mort, avant de se dissoudre, lors d’un ultime coup de théâtre, au moment précis où le théâtre s’abolit : soudain la mère et la fille apparaissent telles qu’elles sont : deux comédiennes se faisant la bise, se congratulant mutuellement, avant de  saluer les spectateurs sous le regard complice du régisseur qui envoie un plein feu.

Un regard sur la pièce

« Théâtre » est l’un des derniers mots prononcés par les deux personnages uniques, appelés « l’actrice aînée » et « la jeune actrice ». Le théâtre est donc au cœur même de la pièce, en tant qu’espace du trouble, de l’ambigu, de l’indécis, du doute. Avec cette Électre-là, on est aux antipodes de l’Electre des tragiques, ou même, plus proche encore, de Giraudoux. Point de résolution, ici. Le théâtre semble avoir baissé les armes, comme s’il n’y a plus d’illusion possible, plus de décors, presque plus de fiction. C’est le théâtre de la présentation et de la béance, ou plus exactement de la présentation de la béance. Une béance pourtant curieusement jamais vide. Peut-être parce que le vide la guette et la menace. Du coup, dans ce théâtre-ci, place est faite au jeu. Un jeu pour le jeu. Tour à tour féroce, tendre, comique. Jeu de pistes à l’infini, ouvrant sur un univers de possibles. Jusqu’au vertige – Hagalin va très loin quand elle propose la figure du travesti comme réponse au trouble identitaire de l’être contemporain.

La pièce est écrite comme une partition musicale qu’un crescendo final vient clore. Le rythme de la langue prime souvent sur le sens : ellipses, répétitions des mêmes phrases, des mêmes mots, de séquences qui parfois ne sont que vaguement liées ensemble. Autant de variations sur le même thème : le théâtre ou l’obsession du vide.