Le Voeu (Galdra-Loftur)

Auteur : Jóhann Sigurjónsson

Traduction : Gérard Lemarquis

Adaptation scénique : Raka Asgeirsdottir

Date d’écriture : 1915

Création en France : la Comédie des Champs Elysées, Paris en 1920 et Théâtre Arcane, Paris en 1987

Résumé

Le drame se passe au début du 18e siècle dans un évêché en Islande. Loftur est le fils de l’administrateur de l’évêché. Il a 21 ans et suit brillamment des études de théologie en vue de devenir évêque selon le souhait de son père. Cependant, assoiffé de pouvoir, Loftur va bientôt s’intéresser de près aux sciences occultes et s’adonner à la magie. Son ambition de conquérir les forces surnaturelles le poussera à faire fi des bruits qui circulent sur son compte et, surtout, à délaisser Steinunn, une jeune paysanne qui travaille à la ferme, après l’avoir séduite. Le péché ne tarde pas à se muer en valeur pour Loftur que ni les plaintes de Steinunn, ni les conseils de son ami Olafur ne réussiront à fléchir.

Lorsque Disa, la fille de l’Évêque, revient à la ferme après un an d’absence, Loftur voit en son amie d’enfance la jeunesse et l’innocence. En tombant amoureux d’elle, il croit échapper un instant à l’emprise du mal. Mais au moment où Disa s’apprête à confesser son amour, Steinunn vient lui hurler sa blessure et, devant son refus de lui revenir, elle déclare qu’elle attend un enfant de lui, un enfant qu’elle garderait et élèverait dans la haine de son père. Elle sort désespérée suivie par Olafur qui l’aime secrètement. Loftur, resté seul, invoque le diable avec qui il signe un pacte afin de le débarrasser de Steinunn.

Steinunn se suicide en se jetant dans la rivière. Olafur révèle à Disa la relation qui unissait Loftur et Steinunn. Loftur, devenu presque fou, s’enferme dans l’église où il invoque « Gottskald le Cruel » (qui est le dernier évêque catholique en Islande – mort en 1520 – et dont la croyance populaire fait un magicien) en le sommant de lui livrer Le Livre rouge – un livre qui donne les clefs de la Puissance supérieure que Gottskalk aurait emmené avec lui dans sa tombe. Cependant, lorsque Gottskalk apparaît muni de son livre, Loftur meurt, comme foudroyé. Son « Vœu » de s’unir au « Mal » s’accomplit ainsi dans la mort.

Un regard sur la pièce par Gérard Lemarquis

Repères et décalage

On a parlé de Faust au sujet du Vœu. On pourrait également évoquer On ne badine pas avec l’amour. Le cœur de Loftur-Perdican balance entre Disa-Camille et Steinunn-Rosette. Mais la fontaine est ici torrent impétueux, la forêt glacier et l’otage de l’institution religieuse est Loftur et non Disa. On pense aussi à Prométhée, un Prométhée qui irait chercher dans la bibliothèque de Dieu le code d’accès au Prince des ténèbres.

L’inspiration symboliste triomphe en Europe quand Johann Sigurjonsson écrit sa pièce. Mais il reste à l’Islande, privée de traditions théâtrales, à vivre son âge romantique, puisqu’aussi bien on ne saurait griller les étapes, même si on les vit avec retard. Symboliste, Sigurjonsson l’est assurément. Mais comme un Maurice Materlinck qui aurait pris de l’huile de foie de morue tous les matins.

Disa franchit les montagnes pour rejoindre ses parents. Les œuvres littéraires prennent des chemins plus détournés. C’est du Danemark que Le Vœu est venu pour la première fois à Paris dans les années vingt. C’est le réalisateur suédois Sjöstrom qui a popularisé à l’époque du muet un autre chef-d’œuvre de Sigurjonsson, Les Proscrits, « Le plus beau film du monde », écrivit Louis Delluc en son temps.

Dieu, pendant des siècles, a oublié les Islandais. Le pays était trop pauvre, en ce 18e siècle où la pièce se passe, pour s’offrir le luxe d’un siècle des lumières. Reste le Diable, Loftur, comme Don Juan devant la statue du Commandeur, meurt d’avoir tergiversé. Les vœux n’ont pas besoin de l’intervention des puissances supérieures pour s’exaucer, mais malheur aux apprentis sorciers. Quant aux flammes de l’enfer, certains prétendent qu’elles n’étaient pas sans séductions dans un pays où les hommes avaient si froid.