Dis-moi tout (Segðu mér allt)

Auteur : Kristín Ómarsdóttir

Traduction : Raka Asgeirsdottir et Nabil El Azan (2006). Traduction à l’initiative de la Maison Antoine Vitez.

Date décriture : 2002

Nombre de personnages : 5 (3 femmes, 2 hommes)

Création : 18 février  2005 au Théâtre de la Ville de Reykjavik, Islande

Résumé

Gudrun a 12 ans et vit en fauteuil roulant. Elle est fille unique de parents névrosés et égocentriques qui ont du mal à s’assumer et à assumer leur rôle de parents d’une fille handicapée. Gudrun doit supporter leurs querelles sans fin et leur extravagance. Ces derniers  ne lui cachent en effet rien de  leur vie sexuelle ni de leur perversité. 

Gudrun trouve refuge dans un monde imaginaire, en s’inventant des parents d’accueil parfaits. Ils s’appellent Barbie et Mark, et sont très rose bonbon, souriants, gentils et positifs. Ils habitent une maison en verre.  Ils ne haussent jamais la voix, parlent bien et se respectent. Ils sont sans fautes. Et c’est cet univers sans faute qu’ils vont inculquer à Gudrun. Mais la perfection ne tarde pas à se fissurer…   

La perfection de Barbie et Mark s’avère très vite douteuse en effet.  Le couple tente de séduire l’enfant, de la salir, de lui faire faire et dire des choses. La vision de rêve de pureté de Gudrun s’écroule et se transforme en cauchemar. Mais n’est-ce pas normal ? Le rêve n’est-il pas condamné à être contaminé par le réel si pervers de Gudrun ?

Le monde en verre se brise. Gudrun continuera sa vie avec ses parents qui l’aiment à leur façon, avec une mère qui quitte la maison pour y revenir… À la fin de la pièce Gudrun semble avoir vieilli. À 13 ans elle est désormais entrée dans le monde dur et chaotique des adultes.

Un regard sur la pièce

C’est une comédie noire.  La pièce est construite sur une succession de séquences brèves, ayant chacune un titre, qui sont une sorte de va et vient entre l’imaginaire et le réel. Cela crée un enchaînement très dynamique et permet à l’auteur d’échapper au naturalisme en grossissant le trait, et en passant allègrement de la parodie au trash. 

Abordant les dérives du tout dire et de la recherche débridée du plaisir individualiste dans la société islandaise, l’auteur semble interroger sans cesse les limites de la représentation théâtrale.  

S’il n’y avait la distance et l’humour, la pièce pourrait s’apparenter à l’un de ces voyages initiatiques d’une fille de douze ans qui, en découvrant son corps, sa sexualité, découvre en même temps les perversions sexuelles de notre époque contemporaine. Jusqu’à perdre son innocence et jusqu’à perdre ses illusions d’un monde meilleur.  

Le corps et la sexualité, l’initiation et la perte de rêve, autant de thèmes chers au théâtre, mais pris ici à rebrousse poil, car tout semble perdu d’avance, dans un monde qui a perdu ses repères. Même l’imaginaire est pourri.

Mais attention, la « pourriture » est à point tel que ça rend les personnages, ceux des parents notamment, extrêmement touchants et sympathiques, car si vulnérables. Et la pièce d’échapper également aux poncifs de la bien-pensance.