L’Ecran bleu (Bláskjár)

Auteur : Tyrfingur Tyrfingsson

Traduction : Raka Asgeirsdottir et Claire Béchet

Date décriture : 2013

Nombre de personnages : 3 (2 hommes et 1 femme)

Création : 8 février 2014 au Théâtre de la Ville de Reykjavik, Islande

Résumé

 Valter et Ella, le frère et la sœur vivent au sous-sol dans la maison familiale de sept étages. Ils sont enfermés depuis des années et leur seul contact avec le monde extérieur se passe par internet. Ils rêvent de changer de vie. Valter veut enfin rencontrer le chauffeur du taxi avec lequel il vit une relation amoureuse via internet et Ella rêve d’écrire un livre de gonzesse et devenir célèbre. Maintenant que le père, l’homme politique éminent est enfin mort ils espèrent pouvoir réliser leur rêve et déménager à l’étage au-dessus. Mais d’abord il faudra enterrer le père et se débarrasser du petit frère préféré du père qui vit dans la maison…

Un regard sur la pièce

L’Ecran bleu est une comédie dramatique cynique, une pièce aux aspects multiples et complexes, composée de plusieurs thèmes, qui forment un puzzle. On balance entre cruauté et douceur, vérité et mensonge, pouvoir paternel et soumission infantile, monde extérieur et univers clos, parole crue, sexuée, et abstinence.

Tyrfingsson s’est en effet inspiré librement d’un conte de Franz Hoffmann, qu’il a lu, enfant. L’histoire d’un petit garçon et d’une petite fille, que de vilains gitans ont enlevés et enfermés dans une grotte. Après des années de séquestration et d’oppression, ils parviennent à trouver le chemin de la liberté.  Mais c’est entre l’univers des contes et une version contemporaine du mythe platonicien de la Caverne que se situe la pièce de Tyrfingur Tyrfingsson. Ella et Valter redoutent de quitter une servitude qui n’a pourtant rien de volontaire, qu’ils abhorrent mais qui les rassure. La liberté est chose dangereuse.

Le nœud de l’intrigue se trouve dans l’enfance des personnages. Valter et Ella ont été sexuellement abusés par un père pervers. Aussi sont-ils comme figés dans un univers enfantin, fait de contes, de jeux et de déguisements, univers où l’empreinte du père est omniprésente.

Il ne leur reste plus qu’à jouer, jouer, jouer encore et toujours.

La pièce tient de la mise en abyme – les protagonistes répètent parfois les mêmes scènes, les mêmes phrases, comme des acteurs – mais elle est avant tout la représentation d’une obsession, d’un leitmotiv intérieur. Car Ella et Valter sont non seulement enfermés, mais enfermés en eux-mêmes. Le recyclage devient urgent.

La poubelle verte est une métaphore de leur condition. On n’y recycle pas seulement les contes et les symboles évoqués dans la pièce, mais aussi et surtout la vie des personnages, pour qu’ils puissent enfin sortir du tunnel et trouver le chemin de la liberté.

L’Ecran bleu, le conte d’Hoffmann. L’auteur préfère ne pas clore la pièce. À nous d’inventer une fin, décente ou pas.